Holy Cow : le paraître avant le manger

Holy Cow a perdu son âme artisanale. Froid, pâteux, et dominé par des oignons caramélisés omniprésents. Goût de bœuf grillé absent, saveur doucereuse de barbecue. Pire que tout : Pas de cornichon ! Je m'incline devant la clientèle satisfaite, mais ce sera sans moi.

Holy Cow : le paraître avant le manger

Je sors de chez Holy Cow et je n'ai pas trouvé ça bon.

J'admets que j'avais un a priori négatif. Après tout, comment maintenir la qualité lorsqu'on passe d'un minuscule pionnier du burger artisanal suisse à une chaîne d'une vingtaine de restaurants, qui plus est, intégrée au sein d'un groupe scandinave de plus de 300 établissements ?

Je me suis concentré pour être impartial et ne pas tomber dans le piège du taillage de costard gratuit.

Je pense avoir la capacité de passer outre mes préjugés. Après tout, chez Classic aussi je partais pessimiste, et pourtant, j'ai fini séduit.

Dans le cas d'Holy Cow, ma posture rigoureuse s'est avérée à double tranchant : les défauts de ce burger ont jailli avec encore plus d'évidence et, Dieu m'est témoin, ils étaient légion.

On va encore me traiter de cynique... mais placer ses valeurs avant son menu sur son site Internet ne dit-il pas que le paraître passe avant l'être, même si l'engagement est sérieux ?

Chez McDo, on a compris depuis longtemps que l'image est importante, mais on ne commet pas l'erreur d'en oublier que le principal, c'est le manger.

D'ailleurs, un Royal Cheese couche sans peine le burger qu'on m'a servi chez Holy Cow. Je préfère aussi un french taco.

C'est un cas d'école intéressant. Monter en volume et passer en mode chaîne de fast-food - oui, Holy Cow est un fast-food, et son cola maison n'y change rien - est un exercice hautement casse-gueule.

Si je ne suis pas du tout acquis à la transformation corporative de la sainte vache, il semble pourtant que le public, lui, continue d'être au rendez-vous. Ce lundi midi, le restaurant des Terreaux était plein. Mon avis n'engage donc que moi et devant le consommateur, je m'incline.

Lorsque mon sandwich arrive, tous les espoirs sont encore permis, mais aussitôt la main posée sur le bun, c'est la douche froide, littéralement. Ce pain n'est même pas tiède, alors le toastage, on n'y pense même pas. Il est moelleux, comme il se doit, mais sa taille est disproportionnée et il finit pâteux en bouche.

En ouvrant le capot de ce Big Cheese, de nouveaux signaux d'alarme s'enclenchent : fromage peu fondu, sauce collante et oignons caramélisés, pas d'oignons crus, un Maillard très moyen.

Pas de cornichon.

À la dégustation, tout se confirme, et plus encore.

La viande d'abord. La texture est étrange, avec un grain mi-fondu, entre Classic pour le côté boucher et Crazy Wolf pour l'aspect processé. Si le côté collant et gommeux n'est pas aussi marqué que chez Crazy Wolf, la qualité d'une bonne viande fraîche, bien traitée, à la Classic, est absente également.

La cuisson est vaguement rosée et la viande n'est pas sèche pour un sou. J'ai pourtant cherché le goût de bœuf grillé jusqu'à la fin, allant jusqu'à détacher plusieurs fois des morceaux pour les goûter seuls. Rien à faire, tout était envahi par une sorte de saveur de barbecue doucereuse, pas de croustillant, pas de grillé marqué.

J'ai aussi cru sentir un goût un peu artificiel dans la viande, comme si on avait légèrement assaisonné le mélange, mais l'oignon caramélisé, avec sa sauce au sucre, a tout envahi, je ne suis donc pas certain.

Un peu de cornichon aurait aidé à équilibrer le tout. Je dis ça, je dis rien.

La viande a perdu environ la moitié de sa texture naturelle.

La forme parfaite du steak, comme les miettes de viande filandreuses, trahit les contraintes de rentabilité et le professionnalisme assassin qui sont probablement désormais de rigueur dans le Holy Cow version 2025.

Ça sent le processus industrialisé.

Rien que la piètre qualité de cette viande est disqualifiante à mes yeux. Dans l'absolu, c'était moins décevant que Crazy Wolf, et il y avait un peu de texture dans cette barbaque, mais le goût n'était pas meilleur.

L'unique tranche de cheddar est brillamment absente. Si tu pars sur de l'industriel fondu, t'auras peu de goût. Il faut donc assumer et viser le crémeux en jouant finement avec la chaleur. Le tiède séché, ça le fait pas trop.

L'oignon, trop sucré, flingue complètement l'équilibre de ce sandwich. Et quelle idée de mettre EN PLUS du ketchup, et pas un peu. Ketchup additionné de caramel, sucre + sucre... comment ne pas y voir un problème d'équilibre ?

Le cornichon, en revanche, aurait pu ajouter un peu de relief !

- Envoie le ketchup, Roger ! - OK, Bernard ! SPLOTCH !

Je me suis retrouvé avec un sandwich sucré, tout juste tiède, au léger goût de viande, mais surtout à la saveur subtile de pain à la sauce barbecue lourdingue et aucun cheese factor, même en cherchant à chaque bouchée.

Je me rends compte que cet article vire au taillage de costard, je vous assure que j'essaie de me retenir, mais c'est vraiment difficile. Je suis désolé. Je suis humain après tout.

IL N'Y A PAS DE CORNICHON, VOUS VOUS RENDEZ COMPTE !?

Mettons les choses en contexte : le niveau est devenu très élevé à Lausanne. Il y a vingt ans, cet exact burger se serait retrouvé en haut du panier. Mais aujourd'hui, je n'ai aucune raison de retourner chez Holy Cow.

Je le ferai néanmoins. Parce que je suis un grand professionnel.

Encore une fois, ils semblent avoir une clientèle satisfaite, et je ne suis personne pour juger de la qualité de leur travail. Rien que le fait de se lever chaque matin pour aller flipper des burgers mérite le respect. C'est pourquoi je ne peux qu'encourager Holy Cow à continuer ce qu'ils font si ça leur réussit, ce sera juste sans moi. Il y a trop de burgers bien meilleurs à se taper.

Pour tout dire, je soupçonne que mon Big Cheese se vend peu. À voir leur marketing, ça tourne beaucoup sur les spécialités et les nouveautés de saison. Alors on va dire que les autres sandwichs sont mieux équilibrés. Si on ajoute des toppings, l'oignon sucré et la viande moyenne doivent s'effacer. Le pain est aussi peut-être moins envahissant.

Le Big Z

Il faut aussi dire que je n'ai VRAIMENT pas aimé ces oignons caramélisés. Je crois me souvenir que c'était une des signatures du Holy Cow de 2009, à tel point qu'on pouvait acheter des bocaux. En consultant la carte, je vois que l'oignon cru n'existe pas chez Holy Cow et que ces fichus oignons caramélisés sont omniprésents. On émet donc l'hypothèse que les clients viennent reviennent pour cette spécialité sucrée et que c'est une question de préférence personnelle.

Y a pas à dire, ils sont fiers de leurs oignons chez Holy Cow. Ils aiment beaucoup le sucre aussi.

Un peu comme ceux qui boivent du Bordeaux avec les sushis.

Je suis convaincant ? J'ai l'air d'y croire ? Allez, je finis avec un dernier coup bas.

Une sauce pour les frites - sans gluten et végétarienne, whaaaaa - présentée sur une carte chiffonnée coûte le tiers d'un Cheese de chez Sboom.

OK, là je suis de mauvaise foi. Mais juste un peu.

Je vous ai dit qu'il n'y avait pas de cornichon ?


📍Holy Cow! Lausanne Terreaux
Rue des Terreaux 10
1003 Lausanne
🌐https://holycow.ch

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